Noël fête ou contrainte - Carpentras - Irène Melet
Dimanche, 13 décembre, 2020

On n’est jamais tout à fait libre de ne pas participer à une fête ! et cela s’applique particulièrement à Noël, la plus mobilisatrice et fédératrice de toutes les fêtes du calendrier contemporain. Il est difficile de prétendre se soustraire en raison de la fascination qu’exerce sa prétendue magie sur des consciences soudain frappées de nostalgie et empreintes de merveilleux. Pour certains la question ne se pose pas, mais d’autres s’interrogent. Ne pas participer, c’est risquer de gâcher la fête des autres par son absence ou de jouer les trouble-fête, voire les sans cœur. S’en détourner au grand jour c’est se hasarder à produire un faire part de désertion qui ne manquera pas de se retourner vers nous et le risque de passer pour le félon de la tribu…

Selon le contexte on y verra soit un signal de détresse ou d’hyperactivité préoccupant (ne pas pouvoir venir), soit une preuve de mauvaise volonté (ne pas vouloir venir), soit une marque d’hostilité incompréhensible (ne pas concevoir de venir). Malheur à qui déclare forfait au match des familles !! Vous n’allez tout de même pas vous payer le luxe d’un état d’âme !!! Et pourtant, il est difficile de prétendre se tenir à l’écart d’une fête qui nous rappelle qu’on n’est rien sans les autres ni la force que l’on tire des siens!

Mais alors n’est- il pas urgent et vital de comprendre pourquoi Noël est peut-être la seule fête à laquelle on n’est pas libre de ne pas se joindre avec enthousiasme ? et que faire pour vivre mieux cette période qui se rapproche ? Quel que soit le choix que nous faisons ?

Noël un caillou au fond de la chaussure ?

L’approche de Noël est pour certains d’entre nous un facteur déclenchant ou aggravant de difficultés existentielles plus ou moins graves (isolement, névroses, dépressions, ruptures, tensions, angoisses, séparations, deuils, suicides, etc…) dont la fréquence s’élève de façon significative à la veille de l’événement. Cette gêne à l’approche de Noël comme un caillou au fond d’un soulier nous rappelle que richesses et biens ne sont rien sans l’estime de soi, la reconnaissance des autres, et la solidarité routinière des jours sans fête.

Noël chez le siens c’est toujours un peu le rodéo du souvenir : il marque l’heure du retour chez les siens même quand on vit proche d’eux… c’est un jeu de piste qui consiste à retrouver péniblement ses marques d’enfant dans un espace que l’on habite plus, un jeu de rôle qui nous fait encore une fois prendre conscience que l’on est plus l’enfant ni l’ado le célibataire , le parent… peut être les grands-parents… on n’ y revient le cœur et les bras chargés de paquets qui ne sont pas que des cadeaux… Avec une question… vers qu’elle part de nous-mêmes revient-on quand on retourne réveillonner en famille ?

Se préparer à un Noël serein est lié à cette question du retour sur ses terres affectives qui sont meubles et plein de surprises plus ou moins désirables avec l’évolution qu’on a donné à son propre vécu.

Faire la fête un besoin humain !

La dimension sociale de la fête est de mettre en contact des individus en leur permettant de nouer ou consolider leurs relations interpersonnelles, elle a un rôle de régulateur des tensions sociales, une forme d’évaluation qui peut prendre l’apparence d’une solidité ou d’une difficulté… Elle est une source de remémoration et de commémoration, car elle met en scène la famille son sens et sa raison d’être, mêlant le souvenir des absents et les contacts entre présents dans un rituel… C’est pour cela que sous l’ambiance généralement festive et légère du rendez-vous, Noël est souvent une épreuve. Elle nous contraint à éprouver nos propres ressources et limites.

Et puis la notion de famille qui s’élargit avec le développement des «familles recomposées» multiplie ces questionnements, car les interactions entre individus sont plus nombreuses et plus furtives aussi dans le temps… Choisir la date (les dates), le lieu (les lieux), ménager les susceptibilités, les aléas des vies de chacun, les conflits qui existent dans tous les groupes, trouver des terrains d’entente (ou proches). Ces tractations diplomatiques rappellent la difficulté pour tout individu de se situer par rapport à tous ceux auquel il est relié par un ensemble de contraintes, de relation, de jeux d’affinités qui fluctuent au gré des circonstances de la vie… elles révèlent la part cachée de tout système familial.

À Noël, il s’agit de tenir les deux bouts :

Pour un Noël en famille il faut d’une part préserver la cohésion du groupe et respecter ce temps imposé, et d’autre part trouver le moyen de préserver ses propres satisfactions pour demeurer en accord avec soi-même dans le temps que nous décidons.

Ainsi l’apéritif très souvent permet de relâcher la tension, car le choix est possible… ensuite il faut trouver sa place autour de la table et les camps et les lignes de partage qui se sont formés année après année. Des formules mises en place au fil du temps et des générations ont assoupli ces positionnements et chaque famille construit son cadre de convivialité qui correspond à son histoire… et personne n’est dupe… pour que les enfants vivent au mieux ces retrouvailles, chacun doit trouver son chemin pour sortir du dédale de ses propres émois. Ce retour au pays natal de chacun le conduit hors de lui (ou en lui pour chercher ses ressources) le temps des retrouvailles et «des négociations».

Noël est un risque, celui de revivre un passé qui peut ne pas être gai, et une chance, celle de trouver la bonne distance pour l’élaborer de façon lucide et inventive. Survivre à ce qui nous bouscule !!, nous menace, nous interroge quand on ne peut redevenir celui que l’on a été… Il s’agit d’apprendre à conquérir cette part d’indulgence sans laquelle on ne supporte ni les autres ni nous-mêmes…

Ne pas faire Noël en famille, mais entre amis ou seul, car la vie en a décidé ainsi ou cela est un choix… cela peut être vécu comme un souffle, une profonde écoute de nos propres besoins à un moment donné, notre cohérence interne ou comme une profonde tristesse et solitude… La vie est impermanence, ce qui est vrai une année peut ne pas être à l’avenir… et cet état peut s’accompagner également si cela devient souffrance…

Notre cadeau de Noël …

Aborder Noël autrement qu’on le fait ordinairement et peut être plus librement qu’on ne sait jamais autorisé à le faire, c’est ouvrir la voie d’une affirmation de sa façon personnelle à vivre cette fête, en se libérant de tout carcan social et moral.

  • Une fête de Noël «réussie» c’est une fête ou l’on accepte l’échec, le deuil, l’oubli, le pardon comme les conditions d’un vivre ensemble…
  • On cherche au préalable à identifier son seuil personnel de souffrance , mais aussi de plaisir… Ainsi, on peut veiller, avant de prendre tout ce qui nous horripile chez les autres, à bien identifier les conditions dans lesquelles on se trouve à titre personnel…
  • Fêter Noël, c’est aussi prendre un risque et saisir une chance … cela se prépare et/ou se répare… cela est rarement pareil, car nous-mêmes évoluons, notre comportement et nos attentes évoluent… ou peuvent évoluer !
  • Dans tous les cas il est bon de s’y préparer ou a posteriori, grandir d’une nouvelle expérience vécue ! Un thérapeute peut vous accompagner sur ce chemin.

    (Article inspiré du livre de Stéphane Floccari «Survivre à Noël» éditions Encre Marine)

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